Les "tables tournantes".

par damino - 2398 vues - 0 com.
Fantôme, esprit, paranormal


Qui ne connaît pas le phénomène dit des « tables tournantes » ? Précisons, d’abord, que l’expression est incorrecte car, en l’occurrence, les tables ne « tournent » pas vraiment. Dans le cadre d’une séance dite spirite, elles donnent des coups frappés et bougent plus ou moins. Dans les cas plus spectaculaires (et les plus rares), elles se déplacent dans la pièce. Il faudrait dire : les tables mouvantes !

Ceci dit, le caractère « paranormal » du phénomène a toujours été nié par les tenants de la « rationalité », ceux-ci ayant donné à cette pratique une explication ne faisant pas appel à la psychokinèse ou aux « Esprits ».

 

I. Quelques contributions à l’étude du phénomène :


1. La théorie de l’impulsion musculaire :

Historiquement, nous pouvons distinguer trois explications :

• Celle faisant intervenir des mouvements musculaires inconscients (Chevreul).

• Celle faisant intervenir les « Esprits » (théorie spirite).

• Celle faisant appel au « fluide magnétique » (comte de Gasparin), théorie qui devint plus tard celle de l’action psychokinétique.

Dans son « Traité de parapsychologie » (1956), le métapsychiste René Sudre note, à propos de l’émergence du phénomène des « tables tournantes » (lors de la vague spirite d’alors) au dix-neuvième siècle, que les scientifiques de l’époque, « qui venaient de subir l’assaut du magnétisme animal, accueillirent avec non moins de mépris cette nouvelle vague de merveilleux que l’océan Atlantique avait poussée sur les rivages du vieux continent ».

« On se rappela alors l’explication donnée par l’illustre Chevreul, une vingtaine d’années auparavant, des mouvements du ‘‘pendule explorateur’’. Ce pendule est un corps solide suspendu à un fil dont l’extrémité libre est tenue entre les doigts. Depuis l’antiquité on l’emploie comme instrument divinatoire. En le suspendant au-dessus d’un disque portant les lettres de l’alphabet, le pendule oscille de lui-même et désigne successivement des lettres dont la réunion forme la réponse à une question posée. Des expériences personnelles avaient montré à Chevreul que l’intention du sujet n’était pour rien dans le phénomène. Par une suite de raisonnements fort bien déduits, il concluait à l’existence d’''une classe particulière de mouvements musculaires que nous exécutons sans en avoir la conscience’’. C’est le sujet qui ferait parler le pendule et se répondrait ainsi à lui-même sans le savoir.

Or, le 21 mars 1853, l’Académie des sciences était saisie de deux mémoires, l’un sur ‘‘la recherche des eaux souterraines au moyen de la baguette divinatoire’’, l’autre sur ‘‘le mouvement circulaire des tables’’. Ces mémoires furent renvoyés à l’examen d’une commission dont Chevreul était rapporteur. Il en résulta le célèbre ouvrage, publié l’année suivante, dans lequel le grand chimiste appliquait son hypothèse des petits mouvements inconscients à l’explication des trois catégories de phénomènes : pendule explorateur, baguette divinatoire et tables tournantes. Chevreul refusait de constater le caractère "surintelligent", comme disait le sceptique Bersot, des faits. Il expliquait bien pourquoi le pendule, la baguette et les tables se meuvent, mais il n’expliquait pas du tout pourquoi ces trois objets ont des connaissances supérieures à celles du sujet qui, inconsciemment, les fait mouvoir. Toujours la terreur du surnaturel ! »

Le monde scientifique adopta la théorie de Chevreul, alors que le « vulgaire » se laissait gagner par la théorie spirite. Entre les deux se glissa l’interprétation du comte de Gasparin (1854), qui attribuait au « fluide magnétique » ou à quelque agent analogue le mouvement des tables.

« Ayant trop de confiance en ses idées, Chevreul n’avait pas voulu voir que les tables se soulèvent parfois sans contact. En saupoudrant le meuble de farine avant l’expérience, Gasparin établit nettement ce phénomène. Et il conclut avec force : ‘‘Le système nerveux des tables ne passe pas pour impressionnable, leur imagination ne risque guère de les entraîner ; donc lorsqu’elles se soulèvent sous l’action de ma main qui ne les touche pas, il est certain qu’elles obéissent à une force physique, à une action matérielle que détermine ma volonté.’’ C’était un raisonnement inattaquable, mais d’abord il se heurtait au parti pris des savants. ‘‘Le jour où l’on ferait bouger un fétu de paille sous la seule action de ma volonté’’, s’écriait dramatiquement le physicien Foucault, ‘‘j’en serais épouvanté. Si l’influence de l’esprit sur la matière ne s’arrête pas à la surface de l’épiderme il n’y a plus en ce monde de sûreté pour personne’’.

En second lieu, la démonstration de Gasparin avait le défaut de rouvrir cette vieille querelle du magnétisme animal que les académies avaient close par une sentence définitive. ‘‘Res judicata !’’ répliqua-t-on à cet audacieux observateur, et, malgré le témoignage considérable du professeur Thury, de l’Université de Genève, on nia le mouvement sans contact, pendant que les spirites se réjouissaient de voir la discorde au camp des mécréants. » (1)

 

2. Robert Tocquet, Rémy Chauvin et Yves Lignon :

Robert Tocquet a témoigné des faits suivants, observés en présence d’un jeune sujet avec lequel il réalisait habituellement des expériences d’hypnotisme et qu’il avait initié très élémentairement aux possibilités médiumniques.

« Sur une vingtaine de séances réalisées avec ce sujet, deux seulement furent négatives. Les autres se sont développées à peu près selon le même schéma et dans les conditions suivantes : deux expérimentateurs, un ami, étudiant en pharmacie, et moi ; salle d’expériences complètement vide et nue ; au milieu, une petite table à trois pieds ; éclairage assuré par une lampe à pétrole et atténué parfois par l’abaissement de la mèche, et, rarement, par un écran placé devant la flamme.

Selon le protocole habituel les expérimentateurs et le sujet posaient les mains sur la table qui, après quelques minutes d’attente, se soulevait et s’abaissait. En résistant à ces mouvements par une légère pression volontaire, nous voyions les mains du sujet glisser légèrement sur le plateau. Par conséquent, les oscillations de la table étaient dues, à ce moment, à des contractions musculaires vraisemblablement inconscientes. Ensuite, les oscillations devenaient de plus en plus importantes, et la table manifestait des velléités de déplacement latéral. Nous avions alors l’impression qu’une force extérieure se superposait aux efforts musculaires du médium.

A cette phase de l’expérience, nous nous reculions tous à deux ou trois mètres de la table, tous contacts rompus. Aussitôt les mouvements cessaient.

Je m’adressais alors à la table et lui demandais de se soulever. Après quelques minutes d’attente, nous la voyions effectuer le mouvement, lentement et comme péniblement. Je l’incitais à faire mieux : le soulèvement devenait plus ample et plus rapide. Au cours d’une séance, la table ne fut plus en contact avec le sol que par un pied et resta dans cette position pendant quelques secondes. Lorsque les mouvements devenaient nets, je m’approchais seul du meuble pour observer de près les circonstances du phénomène ; mon camarade surveillait le médium qui, parfois, tournait le dos à la table. Nous n’avons jamais découvert de fil ou de ‘‘truc’’ quelconque, ni surpris de mouvements suspects de la part du médium qui, d’ailleurs, plus ou moins somnolent, demeurait complètement immobile au cours des séances. Au surplus, comme il a été dit, celles-ci avaient lieu en pleine lumière, de sorte que le contrôle était très facile.

Cette expérience, que j’observai sans émotion et qui s’est présentée devant mes yeux avec la simplicité, la netteté et la pureté d’une expérience quelconque de physique, m’a formellement et définitivement apporté la preuve absolue de la réalité de la télékinésie. Aucune argumentation de théoriciens de ‘‘cabinet’’ n’ayant jamais expérimenté, et, de ce fait, vu ni le faux ni le vrai, ne pourrait faire varier mon opinion à ce sujet. Opinion qui est celle d’un physicien, d’un métapsychiste et d’un prestidigitateur ‘‘amateur’’ n’ignorant pas les innombrables ‘‘trucs’’ employés par les pseudo-médiums. » (2)

L'éthologiste Rémy Chauvin (qui a été professeur de psychophysiologie), décédé en décembre 2009 à l'âge de 96 ans, a déclaré que le phénomène n’est pas rare et reste facile à déclencher. Plusieurs personnes sont assises autour d’une table légère, un guéridon à trois pieds faisant l’affaire. Elles appliquent leurs mains sur la table, les mains des participants pouvant être en contact.

« Au bout d’un certain temps, quelquefois immédiatement, la table commence à s’agiter et se meut irrégulièrement, et parfois très violemment au point que les assistants sont forcés de se lever pour la suivre dans ses déplacements à travers toute la pièce. On peut alors poser des questions à la table, considérée comme une entité indépendante, et ‘‘convenir avec elle’’ qu’elle répondra par un coup pour ‘‘oui’’ et deux coups pour ‘‘non’’ par exemple. Elle répond assez facilement. La technique est très ancienne puisqu’on aurait retrouvé sur les briques gravées babyloniennes un traité des tables tournantes dont on se servait alors pour interroger les dieux. » (R. Chauvin)

Rémy Chauvin évoque la thèse des mouvements musculaires inconscients, selon laquelle les assistants font bouger la table, tout en ayant l’impression que c’est la table qui se meut. Mais, note-t-il, le phénomène présente des particularités incompatibles avec cette thèse :

• L’accord quasi immédiat et inconscient qui semble s’établir, au niveau musculaire, entre les participants.

• La lévitation de la table, celle-ci volant parfois au-dessus de la tête des assistants alors que leurs mains ne reposent plus sur elle.

D’après toute la littérature métapsychique, ajoute Rémy Chauvin, les « tables tournantes » sont susceptibles de déclencher des phénomènes violents. (3)

Dans un livre paru en 1992, Yves Lignon (qui était statisticien à l’Université de Toulouse) a consacré quelques pages aux « tables tournantes » :

Sa première séance a eu lieu au printemps 1970 dans une villa de la banlieue toulousaine. Elle dura plus d’une heure. La table oscilla lentement avec ampleur.

Yves Lignon distingue deux problèmes : celui du mouvement et celui du dialogue. Il évoque l’explication (semblable à celle de Chevreul) qu’avait donnée au dix-neuvième siècle le physicien Michael Faraday, celle faisant intervenir la coordination de poussées musculaires inconscientes. Pour Yves Lignon, cela suffit, en grande partie, à lever le voile du mystère. Cette explication n’explique cependant pas tout, et il évoque à ce propos les expérimentations de Batcheldor (effectuées dans les années 1960) que je décris plus loin.

« Il me semble que l’hypothèse à prendre en compte à l’heure actuelle est celle de l’existence de deux mouvements : l’un dû à l’action des participants, l’autre ayant pour origine la psychocinèse (…). En ce qui me concerne, je considère n’avoir été qu’une fois témoin d’un mouvement peut-être attribuable à la PK. En 1981, le poète Serge Pey était seul en contact avec un objet, et celui-ci se déplaçait avec une telle rapidité que sur l’instant comme aujourd’hui, alors que le souvenir demeure intact tellement était forte l’intensité du moment, parler d’une action musculaire inconsciente me semble bien insuffisant pour décrire ce qui s’est passé sous mes yeux. » (Y. Lignon)

Il arrive que l’« Esprit » donne des informations qui ne sont connues d’aucun des participants à une séance. On sait que les réponses aux questions posées sont données selon un code préétabli : un coup pour A, deux coups pour B, etc., avec une pause après chaque mot (guéridon en équilibre sur un pied ou reprenant contact entièrement avec le sol).

« L’hypothèse à laquelle je m’attache depuis plusieurs années est que la ‘‘table tournante’’ est un moyen de produire collectivement un phénomène de perception extrasensorielle. Bien entendu, dans cette hypothèse, l’‘‘esprit’’ n’est aucunement présent, c’est l’un (ou plusieurs) des tourneurs qui ‘‘fait’’ (ou font) de la voyance et, une fois que l’information est disponible, ceux qui la détiennent l’expriment en manipulant, toujours sans s’en rendre compte cela va de soi, la table ou le verre.

Dans cette hypothèse, le cérémonial (mouvement, première partie du questionnaire) n’est qu’un préalable nécessaire permettant aux participants d’atteindre la situation psychologique (l’état de conscience) sans laquelle il ne saurait y avoir de perception extrasensorielle. » (Y. Lignon) (4)

 

3. L’hypothèse de la fraude :

L’autre « explication » alléguée c’est la simple fraude d’un ou plusieurs assistants. C’est ce type d’explication qu’assènent systématiquement certains individus, comme l’illusionniste Gérard Majax. A plusieurs reprises, on a vu celui-ci faire une démonstration de fausse « table tournante », avec la complicité de personnes dans la « confidence ». Ce fut le cas, par exemple, dans une émission du magazine télévisé « C’est mon choix » (France 3). Il existe ainsi diverses méthodes permettant de simuler le phénomène. Mais cette explication banale ne peut en aucun cas, contrairement à ce qu’insinue ce pourfendeur du « paranormal », rendre compte de l’ensemble des faits allégués. Donnons, à titre d’exemples, les cas suivants mettant en évidence l’existence d’une composante psychokinétique (avec ou sans l’intervention du monde de l’Invisible) :

• Les expériences réalisées avec la médium à effets physiques Eusapia Palladino.

• Les travaux de Batcheldor et Brookes-Smith.

• Le cas du « fantôme » Philip.

 

II. Expériences avec Eusapia Palladino :

Cette Italienne, décédée en 1918, a été étudiée par de nombreux expérimentateurs : Chiaïa, Lombroso, Morselli, Venzano, Bottazzi, Aksakoff, Schiaparelli, Wagner, Ochorowicz, Richet, Lodge, Flournoy, Schrenck-Notzing, de Rochas, Maxwell, de Vesme, de Grammont, Warcollier, Carrington, Courtier, etc. Robert Tocquet se réfère au compte rendu de Courtier, relatif aux expériences réalisées à l’Institut Général Psychologique (1905-1908) par un Comité d’études comprenant des métapsychistes (Courtier, Youriévitch, A. de Grammont, Richet) et des scientifiques qui n'étaient pas métapsychistes (d’Arsonval, Branly, Pierre et Marie Curie, Bergson).

Afin de supprimer toute possibilité de fraude, deux pieds de la table qu’il s’agissait de mouvoir étaient entourés de gaines en bois solidaires du plancher, et des contacts électriques placés aux quatre pieds ne fonctionnaient que lorsque ceux-ci quittaient le sol.

« Grâce à ce dispositif, l’hypothèse d’une pression s’exerçant sous les pieds de la table pendant les soulèvements fut éliminée.

Or, malgré ces conditions sévères, la table se souleva plusieurs fois, alors que les mains et les pieds d’Eusapia étaient solidement tenus. Au cours d’une expérience, elle sortit même de ses fourreaux, et la hauteur atteinte fut de 60 cm. »

Courtier nota ceci :

« Il arrive que la table, complètement soulevée, se balance et oscille d’une manière rythmée lorsqu’on compte à haute voix les secondes. Une fois, elle battit ainsi l’air pendant vingt-sept secondes, et, une autre fois, pendant cinquante-deux secondes. »

La table fut une fois brusquement soulevée des quatre pieds.

Une autre fois, la table se souleva alors que la médium tenait ses mains à une distance de vingt-cinq à trente centimètres de la table.

En une autre occasion, la table fut soulevée des quatre pieds alors qu’un poids de dix kilos avait été ajouté sur celle-ci, et ce, alors que les mains, les pieds et les genoux d’Eusapia étaient contrôlés.

« Eusapia demande que tout le monde se lève et que M. le comte de Grammont vienne lui tenir les deux jambes. M. d’Arsonval contrôle la main gauche d’Eusapia, et M. Youriévitch la main droite. La table se soulève tellement haut que les pieds sortent presque des gaines qui les entourent. Quelque temps après, à 10 h 53 mn, le contrôle des mains et des jambes étant le même, la table se soulève de nouveau. On dit : ‘‘Plus haut ! Hors des gaines !’’ La table monte très haut et retombe en dehors des gaines. »

Eusapia Palladino provoqua aussi plusieurs fois, aux séances de l’Institut Général Psychologique, le déplacement latéral et le soulèvement total d’un guéridon placé généralement à un mètre de l’endroit où elle se trouvait :

• Eusapia ferma les poings en tenant ses mains en l’air, et fit des gestes d’appel et de répulsion. Le guéridon s’avança et recula synchroniquement.

• Eusapia tint dans sa main droite la main gauche de M. Ballet, l’avança par-dessus la table d’expériences vers le guéridon qui se souleva. M. Ballet retira sa main. Le guéridon s’approcha. M. d’Arsonval tenait la main gauche d’Eusapia. Cette dernière dit : ‘‘Va-t’en.’’ Le guéridon s’éloigna. M. d’Arsonval nota que cela s’était fait sans aucun contact apparent. Eusapia tint la main de M. Ballet et lui fit faire le geste de repousser le guéridon. Ce dernier fut repoussé et jeté contre le mur.

• Lors d’une séance de 1906, le guéridon (placé à la gauche d’Eusapia, à cinquante centimètres environ de sa chaise) fut complètement soulevé, alors que les pieds de la médium étaient attachés aux pieds de sa chaise par des lacets, et que ses poignets étaient attachés aux poignets des contrôleurs. Arrivé à la hauteur des épaules de M. Curie, le guéridon fut retourné les pieds en l’air, puis posé plateau contre plateau sur la table. Le mouvement n’avait pas été rapide mais avait été comme attentivement guidé. M. Curie déclara que ce qui était étonnant c’était la précision avec laquelle le guéridon était arrivé sans toucher personne. Il avait fait une jolie courbe en venant se poser sur la table, mais il n’avait pas touché du tout le physicien.

Dans les séances de 1907, on employa ce dispositif proposé par MM. Debierne et Youriévitch : le plateau de la table fut séparé des pieds et rendu mobile par rapport à eux.

« Au-dessus du plateau était disposée une garniture de lainage noir tendue sur un bâti. Le but de cet agencement était de voir si le soulèvement du plateau pouvait être opéré sans contact direct d’en dessus. La table fut soulevée, et, fait remarquable, les pieds ne sortirent pas de leur emboîtement. »

La chaise d'Eusapia Palladino fut mise sur une balance de Marey ou sur une balance romaine pourvue de dispositifs enregistreurs. On constata qu’au cours des télékinésies le poids du sujet s’accroissait de celui de la table, « comme si le point d’appui de la force agissante qui soulève se trouvait sur le médium lui-même ». (5)

 

III. Les travaux de Batcheldor et de Brookes-Smith :

Je présente, ici, les contributions de Rémy Chauvin (1980) et Richard Broughton (1991) à propos des travaux de Batcheldor et de Brookes-Smith.

 

a) Rémy Chauvin :

 

1. Batcheldor :

L’équipe de Batcheldor commença à travailler en avril 1964 en Angleterre. Elle se composait de Batcheldor (qui dirigeait un service de psychologie clinique), de Chick (un hôtelier), et de Miss Coghlan (une infirmière).

Il y eut 200 séances (parfois de plusieurs heures), jusqu’en décembre 1965.

Sur 80 séances où Chick était présent, 70 furent positives. C’était surtout de lui que dépendaient les bons résultats. Batcheldor, Chick et Miss Coghlan étaient présents tous les trois à 80 séances. Des 120 séances restantes, sans Chick, « aucune ne donna de résultats autres que les mouvements de la table peu accentués qu’on peut attribuer à des mouvements musculaires inconscients »… Chick a essayé d’agir seul, mais sans succès.

Les gros phénomènes – dont la lévitation – ne se produisaient que dans l’obscurité. Les chercheurs remarquèrent que l’intervention d’une lumière relativement vive perturbait ou faisait cesser les phénomènes majeurs. On peut alors équiper les pieds de la table de contacteurs dont l’effet est d’allumer une petite lampe rouge ou de faire retentir un timbre quand les pieds de la table sont soulevés à la fois. On peut aussi indiquer les contours de la table en appliquant une peinture phosphorescente, ce qui ne gêne pas le phénomène.

Brookes-Smith équipa le dessous de la table de fines bandes de métal agencées de telle façon qu’une main glissée sous la table déclenchait aussitôt un contact enregistré sur une bande de papier, laquelle enregistrait aussi les lévitations de la table et tous les phénomènes intéressants, ainsi qu’un repérage du temps.

Comme on disposait d’un moyen permettant de savoir qui avait glissé les mains sous la table et à quel moment, Batcheldor imagina de le faire faire volontairement par un complice à un certain moment convenu d’avance, une manœuvre qui, comme il le constata, avait un effet positif sur l’apparition du phénomène authentique (suite à une action positive sur le moral des participants), la faculté paranormale se substituant alors au trucage.

La petite lampe rouge qui s’allumait, lorsque les pieds de la table avaient quitté le sol, était assez brillante pour permettre de distinguer les mains des participants posées à plat sur la table.

La table s’est parfois presque complètement couchée, et la lampe ou le timbre avertisseur est alors entré en action. Lors des lévitations les plus intéressantes la table était pratiquement horizontale ou inclinée de 40° au plus.

Batcheldor a essayé de filmer en infrarouge. Il a obtenu une photo infrarouge représentant un très net mouvement de la table avec Miss Coghlan assise dessus.

Batcheldor et ses collaborateurs ont utilisé diverses techniques :

• Des balances qui pesaient les participants au cours des mouvements de la table.

• Des plaques de métal interposées entre les mains et la table.

• Des baguettes par l’intermédiaire desquelles les participants touchaient la table.

Le poids des tables variait entre sept et vingt kilos. Certaines étaient métalliques.

Les séances duraient régulièrement deux heures, avec un repos d’une demi-heure à la fin de la première heure. La pièce où se déroulait l’expérience était une salle de séjour ordinaire. Les sujets prenaient place, les mains à plat sur la table, et on éteignait les lumières.

Il fallait attendre, parfois pas plus d’une minute, parfois une demi-heure. Le phénomène débutait par des craquements dans la table, dans le plancher ou dans les murs. Le magnétophone enregistra ces bruits.

« Ces bruits se prolongent pendant quelques minutes, puis la table effectue quelques glissades avant de se balancer ; on observe alors alternativement ou en même temps des mouvements et des bruits. Quant aux mouvements eux-mêmes, il n’est guère possible de les décrire en raison de leur infinie variété : tantôt la table glisse ‘‘comme sur une surface huilée’’ (Batcheldor), tantôt le mouvement est si brutal que les participants trébuchent contre leurs chaises en essayant de la suivre. La rapidité du mouvement connaît les variations les plus extrêmes. Parfois, la table s’élève sur un pied, puis retombe tout doucement ; d’autres fois, au contraire, elle retombe avec un bruit si énorme et une telle brutalité qu’on ‘‘s’imagine qu’elle va passer au travers du plancher’’ (Batcheldor). Ici, la théorie des mouvements inconscients induits par les expérimentateurs eux-mêmes souffre quelques difficultés ; quand le mouvement est déclenché, les sujets trouvent, non sans surprise, qu’il est difficile ou impossible de s’y opposer, soit en appuyant sur la table, soit en s’asseyant dessus… » (Rémy Chauvin)

Les participants ne croyaient pas à l’implication des « Esprits » dans la production du phénomène. Ils pensaient qu’il s’agit de forces naturelles qu’il s’agit simplement de maîtriser. Il s’adressaient cependant à la table comme s’il s‘agissait d’une entité vivante, en criant par exemple : ‘‘Plus haut, plus haut !’’, quand elle commençait à s’élever. Ils avaient remarqué que « personnaliser » la table aidait le phénomène.


Les grands phénomènes :

Ceux-ci sont de deux ordres : les lévitations et les mouvements sans contact.

Les lévitations complètes ont été assez nombreuses. La table restait parfois en l’air pendant une vingtaine de secondes. Au cours de la dixième séance, note Batcheldor, « la table sembla flotter comme si elle avait quitté le plancher ». Sur la demande des participants la première lévitation se produisit. La table oscilla de part et d’autre en suivant un mouvement pendulaire. Le phénomène était silencieux. Les bruits recommencèrent quand la table reprit contact avec le plancher. « Il nous semblait », déclara Batcheldor, « que l’hypothèse des mouvements musculaires inconscients venait d’encaisser un sérieux camouflet »…

C’est la douzième séance qui comporta le plus grand nombre de lévitations :

« Graduellement, les mouvements se firent plus accentués, et la lampe témoin de la lévitation s’alluma de plus en plus longtemps. A sa lueur rouge, nous pouvions nettement distinguer nos mains sur la table. Celle-ci sembla agir comme une personne énervée et exécuta toute une série de mouvements extrêmement vifs (…). Elle se secoua presque comme une chose vivante en lévitant complètement et en nous forçant presque à la lâcher. Comme la lévitation n’était pas très marquée, je lui dis : ‘‘Allons ! plus haut’’, et la table s’éleva à la hauteur de nos poitrines et y resta huit secondes. On pouvait voir clairement le dessus de la table à la lueur de la petite lampe rouge en son milieu, et elle était horizontale (…). Les mouvements devinrent encore plus accentués au cours de la seconde heure. A un moment, la table lévita et se mit à flotter à travers la chambre ; nous dûmes quitter nos sièges pour la suivre ; elle était à environ cinq pouces du sol, et la lampe rouge resta allumée jusqu’au moment où nous trébuchâmes contre un meuble, ce qui mit fin à l’expérience (…). » (Batcheldor)

Au cours de la vingt-troisième réunion, Mademoiselle Coghlan fut soulevée par la table pendant qu’elle était assise dessus.

Au cours de la vingt-septième session, quelques amis furent autorisés à participer aux expériences, ce qui fit huit participants en tout. En plus des phénomènes habituels, dont quelques lévitations, on constata des mouvements sans contact, dans diverses directions.

Au total, Mademoiselle Coghlan fut soulevée quatre fois pendant qu’elle était assise sur la table, le poids des tables étant variable (15, 18 et 40 livres). Lors d’une séance, on put photographier le sujet dans l’infrarouge, face à l’objectif, avec la table inclinée de 20°, deux personnes à chaque extrémité avec leurs mains bien à plat sur le dessus.

Batcheldor a cherché à savoir si la présence de Chick était indispensable et si elle opérait quand il ne prenait pas directement part à l’expérience. On l’éloigna à deux mètres, puis dans la pièce voisine, et les phénomènes continuèrent.

« Par ailleurs, on essaya de diviser en plusieurs parties la table qui se composait d’un cadre et de pieds métalliques sur lesquels on avait vissé un plateau de bois. On dévissa le plateau. Dans un premier temps, celui-ci présenta une lévitation partielle en laissant le reste de la table de côté. Mais, dans un second temps, le plateau parut collé à son support métallique et l’entraîna. Au cours de cette expérience, Batcheldor avait déposé sur le plancher une plaque luminescente qui lui permettait de voir très nettement les pieds des participants et la position de leurs doigts. Ce plateau resta en place au cours des expériences ultérieures. Il permit de constater que les sujets gardaient bien leurs mains au-dessus du dispositif et ne s’aidaient aucunement de leurs genoux. » (Rémy Chauvin)

On a constaté des variations de poids des sujets :

« Chacun des sujets ayant pris place sur une caisse posée sur une bascule du modèle courant, on nota à l’aide d’une petite lampe électrique les variations de poids suivant que le sujet gardait les mains sur les genoux, les posait sur la table ou les appuyait dessus aussi énergiquement que possible. On n’observa rien de très spécial, sauf dans un cas où le poids de Batcheldor diminua d’abord très nettement pour augmenter ensuite plus fortement encore, le tout en l’espace d’une minute, c’est-à-dire relativement lentement ; les mains de Batcheldor étaient posées sur ses genoux, et celui-ci se rendit compte qu’il était incapable de simuler une pareille variation de poids en appuyant par exemple sur la table avec ses mains, de toutes ses forces. » (Rémy Chauvin)

Batcheldor a observé à deux reprises un froid très intense venant du dessous de la table. Il n’a pu dire s’il s’agissait d’une sensation purement subjective. Dans les comptes rendus des anciennes expériences des métapsychistes, cet abaissement thermique a été plusieurs fois mesuré au thermomètre. Il était donc réel.

 

2. Brookes-Smith :

Brookes-Smith a repris, en les raffinant, les méthodes d’enregistrement de Batcheldor.

Sa table d’expérience était truffée de jauges de contrainte dont l’élongation, répondant à des forces même très faibles, pouvait être enregistrée. Il a construit deux types de tables :

• L’une comportait des plaques sur lesquelles les sujets appliquaient les mains, et la force exercée par eux sur chaque plaque pouvait être enregistrée à part. Il y avait aussi un dynamomètre indépendant placé entre le sommet du pied de la table et son plateau, ceci afin de savoir si, au cours des lévitations, c’était le plateau qui « tirait » le pied vers le haut, ou si c’était, au contraire, le pied qui « poussait » le plateau vers le haut. C ’est la première hypothèse qui se révéla être la bonne.

• L’autre type de table comportait un plateau pouvant coulisser de haut en bas autour d’un pied central assez lourd. Son poids étant presque annulé par un contrepoids, le plateau répondait très facilement aux moindres sollicitations vers le haut.

Ces tables possédaient le dispositif d’« invalidation », constitué d’un contact placé au-dessous de la table. Il pouvait être fermé par les doigts s’il venait à quelqu’un de tricher en plaçant ses mains au-dessous et non plus au-dessus de la table. Dans ce cas aucun signal précis ne se faisait entendre, mais la fraude était enregistrée.

Il sembla à Brookes-Smith qu’on pouvait expliquer les lévitations, dans certains cas tout au moins, par une « adhésion paranormale » des doigts des sujets à la surface de la table.

« Cette hypothèse de l’adhésion paranormale avait d’ailleurs déjà été alléguée dans des expériences réalisées par Sydney Alrutz en 1929 à l’aide de son ‘‘Volomètre’’ qui ressemblait passablement, mais en plus petit, à la table au plateau coulissant de haut en bas construite par Brookes-Smith. Alrutz avait eu l’idée de neutraliser l’adhésivité normale des doigts par la sciure de bois répandue sur le plateau de l’appareil ; il avait constaté lui aussi des forces dirigées vers le haut mais bien plus faibles que dans le cas des expériences de l’équipe de Batcheldor.

Cette hypothèse de l’adhésion paranormale me paraît davantage remplacer un problème par un autre plutôt que d’apporter une explication véritablement satisfaisante de l’application des forces dites paranormales. » (Rémy Chauvin) (6)

 

b) Richard Broughton :

Richard Broughton note que l’idée de Kenneth Batcheldor (psychologue clinicien britannique) était celle-ci : le doute et le soupçon inhibent la production des phénomènes psychiques, tandis que la certitude et l’attente les favorisent.

« La certitude et le désir étaient non seulement utiles, mais les conditions devaient être telles que les personnes impliquées éprouvent le sentiment quasi tangible qu’un miracle allait survenir. Il ne s’agissait pas seulement de souhaiter quelque chose : un état d’esprit spécifique devait être induit. » (R. Broughton)

Selon Batcheldor deux facteurs s’opposaient à la manifestation de la PK (psychokinèse) :

• Le premier, appelé « inhibition du témoin », est la réaction initiale de surprise ou de crainte que l’on éprouve lorsqu’on assiste à un événement paranormal. L’inhibition du témoin pouvait, selon lui, entraver toute démonstration.

• L’autre facteur, le refus de responsabilité, est une tendance à redouter que l’on puisse être responsable ou auteur des phénomènes.

Selon Batcheldor toute technique permettant de réduire ces facteurs psychologiques inhibiteurs était susceptible de produire les conditions favorables à la démonstration de la PK.

Au cours des dix premières séances, il y eut des effets mineurs : la table se penchait, glissait ou sautillait. Ceci pouvait être attribué à l’action normale, quoique inconsciente, des muscles, mais ces effets contribuaient à raffermir la confiance. Lors de la onzième séance, la table (une vingtaine de kilos) se souleva au-dessus du sol. Les participants y avaient tous posé leurs mains. La séance suivante donna lieu à des lévitations mineures, celle d’après fut un échec.

Colin Brookes-Smith (ingénieur électricien en retraite) et son collègue D. W. Hunt produisirent des effets PK impressionnants.

« Puis Brookes-Smith conçut un mécanisme nouveau destiné à susciter la confiance et l’attente, mais aussi à réduire l’inhibition des témoins. Avant une séance expérimentale, les participants étaient tirés au sort et l’un d’eux était secrètement choisi pour ‘‘assister’’ les phénomènes dans un premier temps. Le tricheur désigné avait discrètement recours à des moyens normaux pour ‘‘amorcer la pompe’’, puis il s’arrêtait quand les mouvements paranormaux devenaient apparents. Bien entendu, il se dénonçait en fin de séance et révélait ce qui avait été fait normalement. L’enregistrement des réactions de la table distinguait aisément les mouvements normaux de ceux qui ne l’étaient pas. » (R. Broughton)

Colin Brookes-Smith et son équipe n’étaient pas au courant des travaux de Batcheldor lorsqu’ils commencèrent leurs expériences. Ils passèrent près d’une année à tenter de susciter une apparition en utilisant une technique de méditation. Lorsqu’ils prirent connaissance des recherches de Batcheldor, ils virent que leur travail en constituait la réplique. Ils prêtèrent dès lors une attention particulière à l’attitude prônée par Batcheldor.

La recherche sur la PK de groupe, note Richard Broughton, « nous apprend surtout que des gens très ordinaires peuvent provoquer des phénomènes étonnants avec une psychologie adéquate ». Croire les phénomènes possibles, attendre qu’une chose se produise et ne pas s’inquiéter de savoir qui en est le « responsable », voilà les trois grands principes. (7)

 

IV. Philippe le fantôme :

Cette expérience débuta en 1972, à Toronto (Canada), époque à laquelle un groupe de membres de la Société de Recherche Psychique de Toronto décida d’essayer de créer un « fantôme ».

Un membre composa une biographie totalement fictive du « fantôme », l’histoire étant centrée sur le manoir de Diddington, dans le Warwickshire (Angleterre). La demeure existe réellement, mais son nom est légèrement modifié. L’histoire a été située au milieu du dix-septième siècle et concerne un membre de l’aristocratie, Philippe, et son épouse frigide, Dorothée, qui lui faisait une vie de mari malheureux.

« Un jour, il a la chance de rencontrer une bohémienne – une ‘‘gipsy’’, comme les appellent les Anglais – belle et bonne. Elle se nomme Margot. Ils se revoient en secret et tombent amoureux l’un de l’autre. Quand les frères de race de Margot quittent la région, Philippe installe celle-ci dans une chaumière sur ses terres. Et c’est quelque temps de bonheur sans mélange, jusqu’au jour où Dorothée découvre leur liaison. Elle n’a alors rien de plus pressé que de dénoncer la maîtresse de son mari comme sorcière. Philippe, ayant peur de trop se compromettre, ne fait que peu d’efforts pour la sauver. Et la jolie gipsy monte sur le bûcher. Philippe, rempli de remords, court aux combats comme un forcené qui cherche la mort : il la trouve donc !

Le groupe de Toronto fit des recherches poussées sur ce qu’aurait pu être cette aventure, en lisant et dépouillant de nombreux livres d’Histoire sur cette période. Un des membres poussa même la recherche de la véracité jusqu’à aller visiter l’Angleterre et à prendre des photos de Diddington et des autres lieux impliqués dans cette sombre et tragique histoire. Tant et si bien que Philippe et les autres protagonistes devinrent très nets et précis dans l’esprit des expérimentateurs. L’un d’eux fit même une esquisse de Philippe. De multiples entrevues, de longues conversations achevèrent de clarifier le sujet, ainsi que de contribuer à la bonne entente et à l’homogénéité du groupe. Parfois, ils essayent aussi de produire Philippe sous la forme d’une hallucination collective…

Mais Philippe ne veut pas apparaître ! Le fantôme ne donne pas signe de vie. »

Les membres du groupe se découragèrent, jusqu’à ce jour de 1973 où ils découvrirent le compte rendu de recherches du même genre effectuées par trois confrères britanniques, avec production de phénomènes physiques apparemment paranormaux. Le groupe changea alors de méthode : au lieu d’une méditation calme, dans la demi-obscurité, on instaura une atmosphère gaie, détendue, sans la présence d’aucun médium. C’est Philippe lui-même qui était censé produire les phénomènes. Les membres parlèrent à la table autour de laquelle ils étaient, comme si elle eût été Philippe !

Au bout de quelques semaines, les phénomènes (comme des mouvements de table) débutèrent. Un assistant remarqua : « Je serais curieux de savoir si c’est Philippe qui fait cela ? » Un grand coup, venant du haut de la table, retentit. Il fit vibrer tous les meubles de la pièce. Un « dialogue » s’ensuivit (1 coup pour ‘‘oui’’, 2 coups pour ‘‘non’’). Les membres du groupe étaient habituellement au nombre de huit.

« Sous une bonne lumière, ils s’asseyaient autour de la table, plaçaient leurs mains dessus et disaient : ‘‘Hello ! Philippe !’’ Et à chaque salut, un coup bien net dans le bois, sous la main, marquait la réponse du fantôme. Rapidement, le phénomène prit des proportions telles que la table se mit à courir tout autour de la pièce et que les expérimentateurs eurent bien de la peine à y maintenir leurs mains.

Un jour, la table décolla du plancher. Un contact réel était bel et bien établi avec cet imaginaire Philippe : par coups, grattements, et même lueurs vacillantes autour de son portrait qui trônait au mur de la pièce.

Et le dialogue s’établit peu à peu entre le fantôme et ses questionneurs. Il répondait conformément à sa biographie inventée, et, parfois, il en rajoutait, mais alors ces rajouts ne collaient pas toujours avec la réalité historique : ils semblaient dépendre de ceux qui étaient présents. »

La présence de quatre membres (sur huit) suffisait pour déclencher les phénomènes.

Au bout d’un certain temps, Philippe accepta la présence d’un ou deux visiteurs. Même avec trois visiteurs, les coups eurent lieu, mais les mouvements de la table diminuèrent. Plus d’une fois, la table poursuivit quelqu’un à travers la pièce, et la victime devait s’enfuir par la porte…

Au début de 1974, le groupe de Toronto prit la décision de tourner un film documentaire pour raconter l’histoire de la création de Philippe : « Philippe, le fantôme imaginaire ». Le groupe assista à une émission télévisée (télévision de Toronto), avec un programme comportant une discussion :

« La table avait été amenée sur le plancher du studio, avec le groupe des expérimentateurs et l’auditoire, tandis que le groupe de discussion était assis sur une estrade.

A l’occasion, la table se déplaça rapidement autour du studio en faisant sa gymnastique habituelle, allant même jusqu’à grimper trois marches de l’estrade, où Philippe estimait sans doute qu’il aurait dû se trouver, en compagnie du présentateur et des participants à la discussion.

On pria le présentateur de dire ‘‘Hello !’’ à Philippe, et, à sa vive surprise, il reçut un grand coup sous la main. Aux questions qu’il posa ensuite au fantôme, celui-ci répondit par des coups dans la table.

Aucun soupçon de fraude ou de tricherie ne vint ternir cette émission de télévision, et tous les assistants demeurèrent stupéfaits devant ces manifestations, se demandant comment une pensée collective pouvait produire des effets physiques sur une table. »

Philippe était un composite de tous ses créateurs. Et s’il arrivait que l’un d’eux mît en doute la réalité du fantôme, les phénomènes s’arrêtaient.

Le succès du groupe Philippe suscita des imitateurs qui réussirent également, et même plus vite. (8)

Richard Broughton précise que les séances hebdomadaires du groupe de Toronto étaient organisées par l’épouse du docteur A. R. G. Owen (mathématicien britannique résidant au Canada) et sa collègue Iris. Il a évoqué une séance du groupe de Toronto ayant eu lieu en janvier 1974 :

« Les participants prirent place sur des chaises pliantes placées autour d’une vieille table de jeu en bois. Dessus étaient posés deux fleurets et une assiette de bonbons, objets qui représentaient deux des faiblesses de l’invité de marque que l’on allait bientôt invoquer. La pièce était normalement éclairée. Chaque membre du groupe avait adopté l’attitude qui faisait désormais partie du rite : mains délicatement posées sur la table, paumes tournées vers le bas. Sue commença : ‘‘Bonjour, Philip.’’ Immédiatement, il y eut un coup sourd (un "rap") qui semblait venir de la table, juste sous les mains de Sue. ‘‘Ouh, je l’ai bien senti, celui-là’’, commenta-t-elle. Sidney prit la parole : ‘‘Bonjour, Philip.’’ Un autre "rap" se fit entendre sous ses mains. Et il en fut ainsi jusqu’à ce que le dernier des participants eût salué Philip.

Après les politesses, le groupe se mit à ‘‘bavarder’’ avec Philip, lui posant des questions auxquelles il pouvait répondre par ‘‘oui’’ ou par ‘‘non’’ – respectivement un ou deux raps. Soudain, la table s’inclina doucement. ‘‘Excusez-moi, mon genou a cogné la table’’, déclara Andy. Une des règles du groupe voulait que tout mouvement accidentel fût immédiatement signalé. Bientôt, cependant, la table s’inclina puis se mit à glisser sur le sol. Les membres durent quitter leurs sièges pour garder les mains sur la table. Cette fois-ci, personne ne s’excusa. ‘‘Philip, c’est bien vous ?’’ demanda quelqu’un. Il y eut un "rap" solitaire, un ‘‘oui’’. Quelqu’un demanda à la table de se remettre en place, ce qu’elle fit, et chacun put retrouver sa chaise. Ils pressèrent alors Philip de faire léviter la table – cette demande était répétée à chaque visite car les membres voulaient fixer cet instant sur la pellicule. Un instant la table demeura immobile, puis un seul pied se souleva doucement (les trois autres étaient encore posés sur le sol). Le plateau de la table se déforma, le bois et le métal gémirent. ‘‘Il va la casser’’, murmura quelqu’un. Une personne s’efforça d’appuyer sur le coin de la table pour la remettre en place, mais elle résista ; il fallut les efforts conjugués de quatre membres pour y parvenir. Tous pouvaient voir qu’il n’y avait rien sous la table ou le pied soulevé, mais ceux qui poussaient avaient l’impression que quelqu’un résistait à leurs efforts. C’était intéressant, mais il ne s’agissait pas de la lévitation tant espérée. Un peu plus tard, on distribua les bonbons, et, comme d’habitude, on en garda un pour Philip. Par jeu, quelqu’un voulut prendre le bonbon de Philip, et la table s’inclina à 45 degrés pour l’en empêcher : le bonbon ne tomba pas. Les participants placèrent alors, à côté, d’autres sortes de bonbons, en s’assurant à chaque fois qu’ils n’étaient pas poisseux ; tous restèrent en place. Quand la séance fut terminée, les membres voulurent vérifier un point : les bonbons tombaient bien avant que l’inclinaison de la table n’atteignît 45 degrés.

Quelques mois plus tard ils parvinrent enfin à la lévitation complète. »

Philip était donc le fruit de l’imagination des participants. C’était Sue qui avait inventé ce fantôme imaginaire et lui avait attribué la personnalité d’un cavalier aristocrate de l’époque de Cromwell.

« Contrairement à ses homologues de l’époque victorienne, le groupe de Toronto ne cherchait pas à communiquer avec quelqu’un de l’au-delà ; il souhaitait simplement re-créer les phénomènes physiques intervenant si souvent dans les séances victoriennes. Philip n’était qu’un moyen pour une telle fin. » (R. Broughton) (9)

 

V. Une expérience au Centre NOÊSIS :

Dans un article du numéro de printemps 2011 de la revue "Parasciences" (et dans le livre : "Etats modifiés de conscience" - éditions Favre, 2011 -, écrit en collaboration avec Claude Charles Fourrier), Sylvie Déthiollaz évoque un phénomène spectaculaire qui s'est déroulé dans un cadre scientifique rigoureusement contrôlé (en présence d'une demi-douzaine de personnes) :

"Il s'agissait d'une séance expérimentale de ''macropsychokinèse'' impliquant une femme qui disait avoir des capacités de médium et pouvoir entrer en contact avec des esprits décédés au moyen d'une ''table tournante''. Or, ce jour-là, assez vite un ''contact'' semblait s'être établi entre elle et sa grand-mère. Sans entrer trop dans les détails (car cet épisode a quand même duré près de quatre heures !), comme toutes les personnes présentes j'ai vu un guéridon se mouvoir si rapidement dans la pièce que la médium, elle-même surprise par l'ampleur du phénomène, le suivait à grand-peine sans parvenir à garder ses mains dessus ! L'expérience s'est ensuite poursuivie avec une table ronde beaucoup plus grande, avec un pied et un plateau massifs si lourds qu'une personne seule la bougeait difficilement. Bien que moins rapide, nous avons à nouveau vu cette table se déplacer allègrement dans la pièce... Il faut préciser que les tables uttilisées avaient été achetées la veille par l'équipe scientifique qui avait préparé la rencontre, et que la médium n'avait pas eu accès à ce matériel avant la séance..."

Cette femme était probablement dans un EMC (état modifié de conscience) non ordinaire, mais les observateurs assistaient, eux, à une expérience "extraordinaire". (10)

A propos du Centre NOÊSIS, en Suisse, reportez-vous à mon texte : "Les états modifiés de conscience", même rubrique.

 

VI. PK ou « Esprits » ?

On se doute bien que les résultats obtenus par des groupes de recherche comme ceux de Batcheldor et Brookes-Smith, d’une part, et celui de Toronto, d’autre part, ont donné de sérieux arguments à ceux qui nient toute intervention d’entités spirituelles dans la production de phénomènes de type spirite, dont les « tables tournantes » constituent un élément central. Il ne serait donc pas nécessaire d’invoquer la présence d’« Esprits » pour provoquer ces effets. La psychokinèse de groupe serait suffisante et il n’y aurait donc point d’entités provoquant le déplacement des tables. Nous avons vu aussi, plus haut, qu’Yves Lignon fait intervenir la perception extrasensorielle dans le contenu de certaines réponses obtenues dans le cadre de séances spirites. (C’était aussi l’opinion de certains ''métapsychistes'', comme René Sudre.)

Cependant, les résultats obtenus par les groupes de recherche mentionnés ci-dessus n’infirment pas complètement, pour autant, l’éventuelle intervention d’entités dans les phénomènes obtenus.

Voici ce qu’a écrit l’ésotériste Michel Coquet à propos des séances spirites :

« Le spiritisme, qu’il est inutile de présenter, s’il a eu sa raison d’être (ce qui est reconnu en haut lieu), n’en reste pas moins une doctrine entièrement fausse, non pas dans ses manifestations mais dans l’explication qu’on en a donné. En effet, si une communication avec un défunt est possible (bien que rare) par le biais d’une table et d’un médium, la plupart des contacts sont réalisés avec des coques astrales, et les phénomènes de coups, mouvements de table, etc., sont des faits naturels dus à la présence des élémentals et au pouvoir psychique du médium lui-même. » (11)

Lobsang Rampa, qui a évoqué le rôle de certains « esprits élémentaires » (ou « élémentaux ») dans les phénomènes de "poltergeist", notait que ceux-ci sont « malicieux comme des singes et, bien entendu, n’ont aucun pouvoir de raisonnement ». (12)

Il est dès lors permis d’émettre l’hypothèse suivante : si nous prenons par exemple le cas du groupe de Toronto, il est possible qu’un « esprit élémentaire » (ou un désincarné du « bas astral ») ait pris l’identité du pseudo-fantôme Philippe (Philip), l’entité (ou les entités) concernée étant alors impliquée dans la production des phénomènes (coups frappés, mouvements de la table)… On ne peut donc pas, selon moi, conclure que les phénomènes observés par Batcheldor et d’autres chercheurs constituent une preuve de la non implication d’entités désincarnées dans les phénomènes spirites de type « table tournantes », la porte devant rester ouverte à l’éventualité que je viens d’indiquer…

J’ai moi-même assisté, vers 1993-1994, à une séance de « table tournante ». Il n’y a pas eu de lévitation de la table, mais j’ai cependant eu la nette impression – je n’entre pas dans les détails – qu’une intelligence extérieure était à l’origine de certaines réponses obtenues (par le biais des coups frappés)

Source : http://www.mondenouveau.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=49&Itemid=41

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