|   
| Les origines |  
|  
 Le héros malheureux du drame de Mayerling, Rodolphe de Habsbourg, naquit le 21 août 1858 à Vienne.
 Il  était le fils de l'empereur autrichien François-Joseph et d'Elisabeth  d'Autriche, dite Sissi.  Cette dernière était issue de la famille des  Wittelsbach, celle de Louis II de Bavière qui avait sombré dans la  folie.  D'esprit plus sain que son cousin, Elisabeth n'en était pas  moins instable et anxieuse.
 De son côté, François-Joseph incarnait le  sens de l'ordre et la discipline.   Il se distinguait également par un  caractère plutôt borné et était fermé aux idées nouvelles.
 
 Rodolphe, en qualité d'héritier impérial, fut élevé à la prussienne  mais, devenu adolescent, il sembla davantage être inspiré par l'art et  la poésie que par ses futures obligations.  D'un caractère proche de  celui de sa mère, il était un rêveur, sensible aux idéaux de fraternité  et de générosité.  A ce titre, il fut un grand admirateur de la  Révolution française.
 La personnalité de Rodolphe s'avéra de plus en  plus instable : tantôt enthousiaste, tantôt complètement abattu et  déprimé.  L'ambassadeur de France alors en poste à Vienne écrivit à son  sujet : "Par l'imagination et la sensibilité, il est bien le fils de sa  mère.  Son adolescence est inquiète de toutes les inquiétudes, les plus  nobles comme les plus charnelles.  Il a soif de justice, de fraternité  comme de volupté.  Mais un jour viendra peut-être, où, ne les ayant pas  rencontrées ici bas, il n'aura plus soif que de néant...".
 
 A  l'âge de dix-huit ans, Rodolphe commença à collectionner les amours  mais les comtesses ne firent que défiler brièvement autour de lui.
 Il  adopta également des idées libérales et devint un opposant à  l'Allemagne de Guillaume Ier et de Bismarck, souhaitant une alliance  avec la France contre les Allemands.  Il publia, de manière anonyme, un  écrit en ce sens.
 
 Inquiet du comportement et des prises de  position de son fils, François-Joseph décida de le tenir à l'écart des  affaires de l'Etat.  Ce geste ne contribua pas à stabiliser la  personnalité de Rodolphe.
 
 En 1883, Rodolphe fut marié pour  des raisons politiques à Stéphanie, la fille du roi des Belges Léopold  II.  Nullement attaché à son épouse qu'il jugeait sans intelligence,  Rodolphe la baptisa rapidement d'un surnom: "La paysanne flamande".
 En  1885, Stéphanie accoucha d'une fille et, bientôt, il apparut qu'elle ne  pourrait plus avoir d'autres enfants.  A tout jamais privé d'héritier,  Rodolphe n'en devint que plus sombre et plus déprimé.  Le fait de  collectionner nombre de maîtresses ne lui apporta aucune satisfaction.
 Devenu consommateur d'alcool, il devint également adepte de la morphine.
 En  1886, il apprit le décès de son parent, Louis II de Bavière, devenu fou  et décédé dans des circonstances étranges officiellement désignées  "suicide".
 
 En 1887, Rodolphe prit pour maîtresse un modèle  du nom de Mizzi Kaspar.  Peu après, il lui proposa un suicide en  commun.  Mizzi prit ses distances...
 La princesse Stéphanie,  délaissée, multiplia les scènes de ménage.  Rodolphe, à plusieurs  reprises, y répondit par des discours insensés puis proposa à son épouse  de la tuer et de se suicider ensuite.
 La santé du prince héritier alla en déclinant, peut être du fait de l'abus de morphine.
 
 En 1888, à l'occasion d'un bal donné à Vienne, Rodolphe fit la  connaissance d'une jeune fille de dix-sept ans, Marie Vetsera.  Conquis,  il revit régulièrement la jeune femme, allant jusqu'à l'inviter dans  ses appartements privés du palais impérial.
 Amoureux fou, Rodolphe  proposa le mariage à Marie le 13 janvier 1889, décidé à obtenir du pape  l'annulation de son mariage et résolu à renoncer à la couronne  impériale.
 Le  27 janvier 1889, un bal fut donné à Vienne pour  l'anniversaire de l'empereur d'Allemagne et fut présidé par la princesse  Stéphanie.  A son apparition, toutes les femmes se courbèrent sauf une :  Marie Vetsera.
 Le lendemain, alors que la cour ne parlait que de  cette conduite scandaleuse, Stéphanie s'entretint avec son beau-père  lequel convoqua son fils.  L'entrevue entre les deux hommes dura des  heures et, si l'on ignore ce qui fut dit, il est reconnu que  l'affrontement fut violent.
 Le jour même, Rodolphe retrouva Marie et,  ensemble, ils partirent pour Mayerling, un pavillon de chasse situé à  quarante kilomètres de Vienne.
 |  | 
|  | 
|   
| Mayerling |  
|  
 Le 30 janvier 1889, à Mayerling, Rodolphe fut aperçu par son valet, Johann Loschek, à six heures du matin.
 A  sept heures, le valet se présenta à la chambre de son maître et,  frappant à la porte durant une dizaine de minutes, n'obtint pas de  réponse.
 Inquiet, le valet alla trouver le comte Hoyos, l'un des  accompagnants de Rodolphe, qui décida d'enfoncer la porte de la chambre  de l'héritier impérial.  Toutefois, mis au courant de la présence dans  la pièce de Marie Vetsera, Hoyos prit instruction auprès du prince  Philippe de Saxe-Cobourg qui se trouvait lui aussi sur place.  A sept  heures trente, la porte fut enfoncée.
 
 Dans la chambre, les  trois hommes trouvèrent les corps ensanglantés de Rodolphe et de Marie  Vetsera, le premier à même le sol, la seconde reposant sur le lit.  Tous  deux présentaient des blessures à la tête.  Dans la main de Rodolphe,  on découvrit un revolver.  Sur le bureau voisin, on découvrit deux  lettres d'adieu: l'une écrite par Marie Vetsera à sa mère ("Nous sommes à  présent très curieux de savoir comment est fait l'autre monde.   Pardonnez-moi ce que j'ai fait, je ne pouvais résister à l'amour"),  l'autre rédigée par Rodolphe dans un style étrange ("Je n'ai plus le  droit de vivre.  Je meurs contre mon gré").
 
 Le lendemain, 31  janvier, le docteur Hermann Widerhofer remit ses conclusions à  François-Joseph.  Il déclara que Rodolphe était mort d'une balle dans la  tête.  Il précisa également que Marie Vetsera était morte la première,  car allongée sur le lit et tenant une rose entre les mains.
 Pour  préserver l'image de la dynastie, l'empereur François-Joseph fit  l'impossible pour obtenir du pape Léon XIII que son fils soit inhumé  chrétiennement (envoi après le télégramme diplomatique officiel d'un  autre télégramme codé dans lequel l'empereur annonçait que son fils  avait été tué), et non à l'écart comme l'église l'imposait à l'époque à  tous les suicidés.  La thèse officielle parla de « crise cardiaque » ou  d' « apoplexie ».
 En tout état de cause, on fit à Rodolphe des  funérailles grandioses.  Il fut inhumé dans la crypte impériale des  Capucins à Vienne, et non au cimetière d'Heiligenkreuz, à côté de  Mayerling, comme il en avait exprimé le souhait dans sa lettre d'adieu,  demandant par ailleurs à être enterré aux côtés de Marie Vetsera.
 
 Cette dernière eut droit à des funérailles tragi-comiques.  Deux  envoyés de l'empereur furent chargés de l'emmener au cimetière  d'Heiligenkreuz mais avec instruction de faire comme si elle n'avait pas  été tuée à Mayerling.  La victime fut donc conduite à sa dernière  demeure assise sur un traîneau, coincée entre les deux hommes, une canne  dissimulée sous ses vêtements afin de lui maintenir le dos droit.
 |  | 
|  | 
|   
| Où est la vérité ? |  
| 
 Le drame de Mayerling fut-il un double suicide ou un double meurtre ?
 
 Une théorie, fantaisiste, veut que les deux amants ne soient pas  morts à Mayerling.  Rodolphe et Marie auraient mis en scène le drame et  auraient pris la fuite à l'étranger afin de vivre leur amour.  Placé  devant un fait accompli, François-Joseph aurait, pour éviter un  scandale, admit officiellement la mort des deux amants.
 
 Une  autre théorie veut que Rodolphe et Marie aient été demi-frère et  demi-soeur.  Lors de l'entrevue explosive avec son fils, François-Joseph  aurait révélé à Rodolphe qu'il était le père de Marie Vetsera.   Rodolphe, coupable involontaire d'inceste, n'aurait eu d'autre issue que  la mort d'où ses phrases "Je n'ai plus le droit de vivre.  Je meurs  contre mon gré".
 
 La théorie du double suicide d'origine  psychologique est nettement plus vraisemblable.  Instable, ayant déjà  proposé le suicide à sa femme Stéphanie et à sa maîtresse Mizzi Kaspar,  Rodolphe aurait fait une nouvelle tentative avec Marie Vetsera.
 Cette dernière, très jeune et folle amoureuse du prince héritier, l'aurait suivi dans la mort par amour.
 
 Suggérée à demi-mots à l'époque des faits, la thèse criminelle prit  petit à petit une importance accrue.  Aujourd'hui, elle est même  privilégiée par les historiens.
 Dès les premiers jours, plusieurs  éléments vinrent jeter le doute sur la version du double suicide et  accréditèrent l'hypothèse d'un assassinat.  Plusieurs témoins  attestèrent que :
 
 
 le corps de Rodolphe montrait des signes d'une confrontation violente avant sa mort. des lacérations avaient été découvertes sur plusieurs parties du corps. les mains de Rodolphe, très abîmées, montraient des signes de lutte et,  contrairement aux usages, l'archiduc fut inhumé avec les mains revêtues  de gants noirs.  une fenêtre de la chambre avait été défoncée de l'extérieur. le mobilier de la chambre était renversé et fracassé, de larges flaques  de sang répandues sur le sol (témoignage du menuisier Frédéric Wolff). le crâne de l'archiduc était enfoncé (témoignage de l'archiduchesse Marie-Thérèse, tante de Rodolphe). le revolver utilisé n'était pas celui possédé par le prince impérial et chacune des six balles en avait été tirée. Le 9 février 1889, soit deux semaines après les faits, dans un  courrier envoyé à Berlin, l'ambassadeur allemand à Vienne, rapporta une  conversation avec le Nonce apostolique et l'aumônier de la cour des  Habsbourg-Lorraine : « Les deux prélats, généralement bien informés, ont  exprimé leurs doutes les plus sérieux au sujet de la version officielle  des événements de Mayerling. »
 Le Premier ministre britannique, Lord  Salisbury, informa rapidement la reine Victoria que les services de  renseignements britanniques détenaient la preuve d'un double assassinat.
 
 Les raisons de ces deux meurtres auraient été d'ordre politique.   Rodolphe, prince libéral, anti-allemand et francophile, aurait pu, après  son accession au trône, bouleverser les alliances européennes alors  qu'un nouveau conflit devenait de plus en plus probable entre la France  et l'Allemagne.
 Par ailleurs, sur le plan de la politique intérieure,  Rodolphe envisageait une indépendance de la Hongrie, ce qui aurait  signifié la fin de l'empire d'Autriche.
 Dotés de mobiles aussi  sérieux, les assassins auraient commis leur crime en profitant de la  fragilité psychologique bien connue de Rodolphe, ainsi que de  l'éloignement du pavillon de chasse de Mayerling.
 
 Quels auraient été les coupables ?
 
 Le premier cité est le parti pangermaniste autrichien ou,  éventuellement, les services secrets allemands eux-mêmes.  D'aucun  prétendirent même que François-Joseph en personne aurait sacrifié son  fils à la raison d'Etat.
 
 Le second parti cité est celui des  opposants hongrois.  Il fut en effet établi que Rodolphe avait eu des  contacts avec des opposants, dont Pista Karoly, le chef de l'opposition  libérale hongroise.
 Dans cette hypothèse, des révolutionnaires  hongrois auraient contacté Rodolphe afin de convenir d'un complot  destiné à renverser François-Joseph et à le remplacer par son fils.
 Rodolphe aurait choisi de dévoiler la chose à son père et les Hongrois se seraient vengés par l'assassinat.
 
 Si les partis en cause restent sujets à caution, beaucoup  s'accordent à impliquer le valet de chambre de Rodolphe, Johann Loschek,  qui pouvait aisément obtenir un double des clés nécessaires et n'aurait  pas - selon ses propres dires, entendu les deux coups de feu mortels...
 
 Zita de Bourbon-Parme, dernière impératrice d'Autriche ayant régné  de 1916 à 1918, donna plusieurs précisions sur les faits en 1983.
 Bien que née trois ans après les faits, elle aurait régulièrement entendu parler de la thèse de l'assassinat au palais impérial.
 L'archiduchesse  Gisèle, soeur de Rodolphe, lui aurait déclaré : "J'ai exigé d'être  présente lors de la mise en bière et j'ai examiné attentivement la  dépouille de mon frère.  Si Rodolphe s'était suicidé, il aurait porté  des traces de brûlure à la tempe.  Mais ce n'était pas le cas, ce qui  veut dire que le coup a été tiré de plus loin".
 L'ancienne  impératrice cita également le feld-maréchal Paar, lequel aurait assité à  une discussion entre François-Joseph et sa soeur et lui aurait rapporté  le dialogue suivant :
 
 
 "Comment avez-vous pu accepter la version du suicide qui allait compromette la mémoire de votre propre fils ?" "Je ne pouvais pas faire autrement.  Le véritable enjeu était le trône,  la destinée de la monarchie et l'équilibre de l'Europe.  Je ne pouvais  pas dévoiler la vérité sans déclencher un grave conflit politique sur le  plan national et international.  Je n'avais peut-être pas moralement le  droit d'agir ainsi.  Mais croyez bien que je ne cesse de penser à tous  les tourments et à tous les moments terribles que ce pauvre Rodolphe a  dû endurer". Suicides ou meurtres politiques ?  La  vérité sur les tragiques événements de Mayerling ne sera sans doute  jamais connue car, pour raison d'Etat, l'enquête policière réalisée sur  les lieux fut plus que bâclée.
 En 1946, la tombe de Marie Vetsera fut  profanée par des soldats soviétiques à la recherche de bijoux; les  personnes qui replacèrent les os en désordre dans la sépulture ne virent  aucune trace d'impact de balle sur le crâne.
 En 1959, une autopsie  des restes fut effectuée en présence d'un parent de Marie Vetsera et  révéla que le crâne ne présentait aucune trace de blessure par balle  mais bien la trace d'un coup porté avec un objet contondant, peut être  un outil de jardinage.
 Entre 2001 et 2003, un passionné de l'affaire  fit réaliser à ses frais une nouvelle autopsie, non autorisée.   L'intéressé dut rendre les ossements suite à une décision de justice.   Aucun résultat probant n'aurait été obtenu par le biais de ces derniers  examens, des parties du crâne ayant été perdues ou endommagées.  Ces  dégâts auraient été causés par le temps et par les manipulations  successives, parfois effectuées brutalement, de la dépouille.
 |  |