Mais où est donc planqué le trésor d'Atahualpa ?

par damino - 2224 vues - 0 com.
Mystère, légende, archéologie

Le magot du seigneur des Incas, étranglé par les Espagnols, serait estimé à 7 milliards de dollars. Faut-il y croire ?

L'Empire inca n'a qu'un siècle lorsque les conquistadores s'en emparent et le pillent de ses richesses. Bien que déterminés à tout dérober, ces aventuriers incultes et sanguinaires ne mettront jamais la main sur la deuxième rançon d'Atahualpa et la cité perdue de Païtiti ne sera jamais retrouvée. Plus de 500 ans après, le mystère continue d'alimenter les espoirs des paysans de la cordillère des Andes, des aventuriers, des archéologues, des dénicheurs de trésors et des passionnés d'histoire de la civilisation inca. Serial Web entrepreneur le jour, Benoit Duverneuil cherche des momies le soir et le week-end. Ce Français, marié à une Péruvienne et installé à Miami, a mis sur pied, avec l'appui de mentors (archéologues, historiens, biologistes, anthropologues...), une organisation digne d'une start-up, soutenue par des outils collaboratifs et de gestion des connaissances.

 
 

La tâche est immense, les documents incomplets, pas toujours de première main ni de la plus haute précision. La zone de recherche : les Llanganatis, en Équateur, au sud de Quito. Un terrain de jeu qui s'étend sur 2 000 kilomètres, très difficile d'accès, formé de volcans de plus de 5 000 mètres, de zones envahies par la jungle et les épineux, et truffé de lagunes, de rivières et de gouffres, le tout nappé de brouillard. "Victime d'un mal des montagnes, personne ne vous entendra crier, prévient Benoit Duverneuil. Certaines zones reculées n'ont jamais été explorées." Les sources : toujours des manuscrits secrets, des archives religieuses (dominicains, franciscains, jésuites...), un guide de voyage ésotérique, des notes d'expéditions.

Au milieu de la mêlée, le Fils du Soleil

D'où vient ce trésor ? Il faut remonter le fil des événements à partir de la capture et de la mise à mort d'Atahualpa. En 1532, Francisco Pizarro, fils bâtard d'un colonel et d'une prostituée, pénètre, au nom de la couronne d'Espagne, sur la côte nord du Pérou. Cet ancien gardien de cochons, rescapé de toutes les batailles, est à la tête de 260 soldats (200 fantassins et 60 cavaliers). La petite troupe, vêtue de fer, endure mille souffrances pour franchir la cordillère des Andes. Mais les richesses rêvées sont là, à portée de rapière. Pizarro est satisfait d'apprendre que la guerre civile engagée entre Atahualpa, maître du royaume de Quito, et son demi-frère Huascar qui règne sur Cuzco se prolonge.

Méfiant, mais conciliant après quelques pourparlers - Pizarro a promis de l'aider pour s'emparer du Sud -, Atahualpa accepte une rencontre à Cajamarca. Le 16 novembre, sûr de sa toute-puissance (avec 20 000 hommes), l'Inca s'y rend accompagné d'une escorte sans armes, pour montrer aux Espagnols qu'il ne les redoute pas. Par précaution, sa garde rapprochée (5 000 guerriers) encercle le palais. Les conquistadores sont camouflés à l'intérieur. Un dominicain, Vicente de Valverde, flanqué d'un interprète, porteur d'une bible et armé d'un crucifix, commence à débiter ses salades. Le visage de l'Inca s'empourpre de colère. Le prêtre tend alors le livre sacré au prince qui ne sait ni lire ni écrire en lui demandant s'il accepte de suivre la "parole du Dieu unique". Atahualpa le porte à son oreille, n'entend rien et le jette à terre. Sacrilège fatal et beau prétexte pour capturer le prince. Au milieu de la mêlée, le Fils du Soleil, sur sa litière dorée ornée de plumes multicolores, ne tarde pas à être bousculé de son trône. Pizarro le saisit par un bras et l'entraîne à l'intérieur du palais. Voyant leur dieu capturé, les Incas, hébétés, ne se défendent même pas. Personne ne leur a donné le signal d'attaquer. Et c'est donc avec une cruauté aveugle que les Espagnols, galvanisés, massacrent les sujets de l'Inca venu en paix, avant de détrousser les cadavres.

Atahualpa prend très vite conscience de la rapacité des vainqueurs et propose, pour sa libération, une rançon en or et en argent. Autant que peut en contenir une pièce de 30 m2. Des émissaires sont envoyés aux quatre coins de l'empire pour réunir les trésors. Les temples sont vidés. Des dizaines de convois arrivent, chargés de merveilles artistiques : trône et fontaines en or massif, vases et plats, finement ciselés et décorés. Ces joyaux inestimables seront fondus et réduits en lingots pratiques, avant d'être chargé sur les galions. On parle de 6 tonnes d'or et de 12 tonnes d'argent. En juillet 1533, le captif a tenu ses promesses, mais Pizarro craint une entourloupe et refuse de le libérer.

De sa cellule dorée, Atahualpa aurait fait exécuter Huascar, enfermé dans une geôle de son propre palais. Filipillo, l'interprète indien embarqué quatre ans plus tôt, membre d'une ethnie hostile à Atahualpa, fait basculer son destin. Traître par amour - Pizarro l'a autorisé à chiper une des femmes du harem -, il révèle qu'Atahualpa a donné l'ordre de réunir une armée de 200 000 hommes et qu'il se moque de la foi catholique. Au terme d'une parodie de procès, l'empereur, accusé d'assassinat, d'inceste, de polygamie et d'avoir pratiqué des sacrifices, est condamné à être brûlé vif. Finalement, après avoir accepté le baptême catholique la veille de son supplice, il meurt par strangulation, le 29 août 1533.

Un coq se mit à chanter

Au moment des faits, les Espagnols ignorent que d'autres butins arrivent du Nord. Lorsqu'il apprend la mort de l'empereur, le grand général Rumiñahui est à une semaine de Cajamarca. Il immobilise la caravane, fait demi-tour, remonte vers le nord, afin de camoufler le trésor dans les Llanganatis. Il a passé toute son enfance à Pillaro, petit village équatorien, à une vingtaine kilomètres de la ville d'Ambato, situé justement au pied de ce massif montagneux. Puis, il apprend par des messagers qu'une procession avec la dépouille de leur dieu momifié est en route. Il va à leur rencontre et les rejoint à Riobamba, dans la région du Chimborazo. Avec une escouade réduite, il prend en charge le corps momifié et son trésor personnel. On pense que celui-ci a été prélevé a posteriori sur la deuxième rançon ou qu'il est issu de Quito, que Rumiñahui va vider avant d'incendier la ville.

En février 1534, le féroce Sebastian Benalcàzar remonte conquérir Quito et s'emparer de la rançon dont il a eu vent entre-temps. Lorsqu'il arrive, la ville est en cendres. Rumiñahui a tout fait brûler avant de recueillir l'or, l'argent et les pierres précieuses pour les mettre en lieu sûr. Furieux, Benalcàzar le trouve dans les montagnes du Sigchos. Soumis à la torture, Rumiñahui meurt en janvier 1535 sans jamais avouer où il a caché le trésor. Une montagne en face du légendaire Cotopaxi porte son nom. Nous l'avons gravie, mais nous n'avons rien trouvé ! Où es-tu donc, l'Inca ? Entre 2004 et 2010, l'historienne Tamara Estupiñán Viteri découvre dans la région de Sigchos, un lieu-dit appelé Malqui Machay, qui signifierait "le site où est enterré le corps". Le terrain appartient à un éleveur de coqs de combat. Une légende raconte qu'un coq se mit à chanter lors de la mort d'Atahualpa. Les Incas avaient coutume de momifier leur leader et de le conserver dans un lieu sacré où ils pouvaient continuer à le vénérer. Pourquoi Rumiñahui serait-il allé aussi loin au nord pour lui trouver une sépulture, alors que les Llanganatis, à l'est d'Ambato, lui offraient une planque idéale ? Les fouilles devraient permettre d'en savoir plus.

Le mystérieux Derrotero de Valverde

Pour le chercheur d'or Philippe Esnos, la sépulture d'Atahualpa ne peut se situer que dans les flancs du Cerro Hermoso, montagne sacrée où les Incas enterraient leurs caciques. Les 60 000 charges ont été réparties dans quatre caches, voire plus. Il reste persuadé que c'est là que Barth Blake et Georges Edwin Chapman, deux officiers de marine, ont sorti leur butin en 1893. Comment ? En suivant le Derrotero de Valverde, ou du moins ce qu'il en restait.

Après la prise de Quito, Juan de Valverde, un soldat espagnol, déserta pour épouser une Indienne, fille d'un cacique puruhae. Ces Indiens, dispersés au pied des Llanganatis, détestaient les Espagnols qui saccageaient leurs récoltes, mais acceptèrent d'intégrer Valverde. À la mort de l'Inca, les Puruhaes, qui connaissaient tous les recoins de cette cordillère, aidèrent Rumiñahui à cacher le trésor de la rançon. Mis au parfum par des indiscrétions, les Espagnols commencèrent à monter des expéditions, mettant en danger Valverde. Les chefs indiens lui révélèrent alors l'existence du trésor pour l'aider à retourner en Espagne avec sa dulcinée. Ces richesses ne tardèrent pas à faire des jaloux. Convoqué par Charles Quint, il devra raconter tout ce qu'il sait, ce qu'il fera sous forme d'un compte rendu d'itinéraire que l'on appelle le Derrotero de Valverde.

Ce mystérieux manuscrit n'est pas une légende, mais reste incompréhensible pour le commun des mortels. Il en existe plusieurs versions. Si les auteurs connaissaient parfaitement les lieux, rien ne prouve que les documents soient authentiques. En 1864, le botaniste Richard Bruce, en mission près d'Ambato, en récupéra une copie auprès d'une famille locale. Mais il mourut avant de pouvoir soumettre tous ses travaux à la Société géographique royale de Londres. Son collègue Alfred Russel Wallace récupéra ses notes et révéla l'histoire sur trésor d'Atahualpa et le Derrotero de Valverde. Blake et Chapman suivirent cette piste et trouvèrent une caverne remplie d'or, nichée dans les calcaires du Cerro Hermoso. Ils prirent ce qu'ils purent, mais se perdirent sur le chemin du retour. Beaucoup moururent de pneumonie. Blake enterra son compagnon, planqua l'or qu'il ne pouvait pas transporter avant de rejoindre par miracle le village de Pillaro.

"L'histoire de Blake et Chapman est pleine de zones d'ombre, tempère Benoit Duverneuil. Personne, à notre connaissance, n'est en mesure de prouver l'existence des deux marins. Nous avons cherché partout dans les archives militaires et marchandes navales britanniques, américaines et d'ailleurs... Rien. Nous avons vu des documents de seconde main qui auraient appartenu à l'explorateur Dyott, lequel chercha le trésor pendant un temps. Mais rien ne prouve que ces documents sont authentiques et qu'ils ont bien appartenu à ces deux personnages."

Baptême contre poterie

Depuis, des dizaines de chasseurs de trésors de monde entier ont essayé de résoudre le mystère, beaucoup ayant perdu leur vie au cours du voyage. Après un travail de recherche en archives remarquable, Philippe Esnos, aventurier aux méthodes controversées, s'y est aventuré avec des moyens dérisoires. Il découvrira quatorze fosses ainsi que de quoi faire rêver un conservateur de musée : 32 poteries, 17 objets en or, deux masques, deux timbales... Il déclenchera aussi les foudres des archéologues, qui attendent toujours de pouvoir analyser les pièces et de mener des fouilles plus approfondies. Esnos y retournera, en vain, avec un document plus précis, issu des archives personnelles d'un ecclésiastique, spécialisé dans l'extirpation de l'idolâtrie, Cristobal de Albornoz. Mais point de sanctuaire d'Atahualpa.

Philippe Esnos pense que la clé du mystère se trouve chez les moines. Dans des comptes rendus de confession ? Les religieux étaient bien placés pour connaître les caches des trésors enfouis, confiés par les Indiens fraîchement convertis. Un baptême contre une poterie ! Au siècle dernier, des fouilles mirent en évidence les vestiges d'une ancienne forge aménagée par Hernan Juarez, soldat de Rumiñahui, et père adoptif d'un jeune Indien, Cañtuna. Ce dernier connaissait l'une des caches où a été enfoui le trésor d'Atahualpa. Et à la mort de Juarez, il transforma sa maison en un couvent à l'ordre des franciscains. Les religieux profitèrent de la fortune, qui leur permit de construire la cathédrale de San Francisco de Quito. Ils firent parler, sous la foi du serment, le confesseur de Cañtuna, qui confessa que le petit Indien ne lui avait pas révélé l'endroit de la cache...

Une tombe royale au Machu Picchu

Les expéditions sont chères et très lourdes à monter, et pas sans risque. Outre l'environnement hostile, batifoler dans une lagune qui servait de "guaca" (lieu à offrandes), c'est un billet assuré pour la mort. Les Indiens n'ont pas besoin de twitter pour faire marron le gringo louche en l'espace de quelques heures. La légende d'Atahualpa attire de simples passionnés, mais aussi des chercheurs d'or et des pilleurs de tombes, prêts à tout pour atteindre le but. La police est parfois de mèche. L'estimation du trésor d'Atahualpa diffère selon les sources. On parle de 7 milliards de dollars. Mais ce pourrait être beaucoup moins.

"Les chroniques espagnoles, les légendes, la superficie de la chambre apportent des informations contradictoires sur les quantités de l'or remis aux Espagnols ainsi que sur le nombre de charges d'or (1) et de lamas qui prirent la route depuis Quito et d'autres endroits de l'empire, nuance Benoit Duverneuil. L'histoire se confond souvent avec les mythes. Nous enquêtons sur toutes les pistes, et pas seulement dans les Llanganatis." Atahualpa étranglé, Pizarro le remplace par son frère Manco Capac II et fonce vers la capitale Cuzco au Pérou, qu'il met à sac en 1533. L'Inca finit par se rebeller, mais, en 1536, son armée est défaite à Sacsayhuaman. Il rassemble alors tout ce que les conquistadores n'ont pas encore dérobé et s'enfonce dans l'Amazonie pour fonder une cité-refuge, Païtiti, qui fera flamber l'imagination des conquérants et des explorateurs.

Cela fait quinze ans que l'archéologue français Thierry Jamin, qui a découvert une bonne trentaine de sites archéologiques dans la région de Cuzco, recherche cette cité légendaire, tantôt repérée dans les Guyanes ou bien à l'est du Pérou. Pour l'instant, le scientifique et son équipe pensent avoir localisé, au coeur de la ville sacrée Machu Picchu, révélée au monde par Bingham en 1911, une tombe importante, peut-être royale. Ce qui serait une première. À ce jour, aucune momie d'empereur n'a jamais été découverte. Des prospections radars et électromagnétiques ont révélé l'existence de plusieurs cavités, de marches, d'une chambre rectangulaire et d'objets métalliques. Pour en savoir plus, il faudrait dégager le gros bloc de pierre qui fait office de porte d'entrée. "Nous sommes en pleine bataille avec le ministère de la Culture pour l'obtention du permis, explique Thierry Jamin. Certains archéologues du parc archéologique de Machu Picchu cherchent à nous prendre cette découverte." Si établir une relation de confiance avec les habitants demande du temps, travailler avec les autorités n'est pas une sinécure. Affaire à suivre.

Source : http://www.lepoint.fr/culture/les-mysteres-de-l-histoire-mais-ou-est-donc-planque-le-tresor-d-atahualpa-06-02-2013-1624404_3.php#xtor=CS1-32

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